CHAPITRE 1 : Le visage de la mort
Par une magnifique journée du mois de juin où le soleil brillait de milles feux, Kyle rentrait de son dernier jour d’examen. Étant orphelin de mère et son père n’ayant jamais été mis au courant de sa naissance, il avait été recueilli par sa tante Lucinda à l’âge de quatre ans – lorsque sa mère mourut d’une maladie incurable. Depuis, il vivait chez elle. C’est-à-dire, depuis un peu plus de dix ans. Maintenant âgé de dix-sept ans, il venait de terminé son année de terminale au lycée de la ville voisine. Dans quelques heures il irait voir, en compagnie de sa tante, le dernier film de la saga SAW à être sorti au cinéma, à savoir, le septième.
Kyle était fort bien constitué. Malgré sa fine silhouette qui paraissait presque féline, il était doté d’une musculature bien développée et sèche, sans excès, ni trop, ni pas assez. Il avait de longs cheveux noirs en bataille qui tombait jusqu’aux épaule, des yeux gris aussi froids que deux grands lacs gelés, ainsi qu’un visage fermé et dénué d’expression.
Il continua de marcher le long du trottoir tout en écoutant « The End of The Beginning » du groupe de rock Nine Inch Nails. C’était l’une de celles qu’il préférait parmi toutes celles que le groupe avait produites. Lorsqu’il franchit le seuil de la porte d’entrée, il remarqua avec étonnement que sa tante avait un peu rangé la maison. Il fallait l’avouer, c’était tout de même mieux que l’éternel désordre qui y régnait d’habitude. Alors qu’il entrait dans le salon, il vit sa tante allongée sur le canapé en train de regarder la télévision. Il déposa son sac contre le mur à côté de celui-ci, la salua, puis monta dans sa chambre, mis un peu de musique et alluma sa console de jeux. Il y joua ainsi quelques heures, afin de décompresser. Au moment où il s’apprêtait à éteindre sa Xbox, la voix de sa tante retentit :
- Il est déjà vingt deux heures. Dépêche-toi d’aller te préparer si tu veux qu’on arrive à l’heure pour la séance de vingt-trois heures trente. On doit être partis dans à peu près une heure, au plus tard.
- Oui, oui. Ne t’inquiète pas. De toute façon je ne vais pas prendre autant de temps pour me préparer. Je vais juste prendre une douche e t me changer.
Sur ces mots il alla dans sa chambre retirer ses habits puis pris le chemin de la salle de bain. Lorsqu’il eût fini de s’habiller, il descendit au salon où l’attendait sa tante.
Lorsqu’elle eut elle également fini de se préparer et qu’elle l’aperçut, elle lança :
- Bon, puisque tu es prêt, on y va ? La séance commence dans quarante-cinq minutes et il nous faudra environ une demi-heure pour arriver là-bas.
Alors qu’ils prenaient l’autoroute qui menait à la capitale – la célèbre ville de Paris – le silence régnait en maître dans la voiture. Un silence léger, presque soporifique que seuls venaient troubler les ronronnements du moteur. A cette heure de l’été le voile de la nuit était tombé depuis peu, mais il faisait déjà très sombre. Soudain, venu de nulle part, un grondement sourd brisa la calme méditation dans laquelle Kyle s’était plongé, l’arrachant également au silence empli de plénitude dans lequel il s’était drapé. Le grondement était sourd et puisant, semblable à un roulement de tonnerre se prolongeant indéfiniment. Lorsqu’il ouvrit les yeux pour identifier la source de cette nuisance, pour le moins incongrue, il ne remarqua tout d’abord rien d’anormal. Puis un violent flamboiement, non-loin de la ligne d’horizon, attira son attention, perçant la nuit telle une lance dorée qui déchire un voile noir recouvrant le monde. Il aperçût de la voiture une boule de feu dont la taille et la luminosité croissaient proportionnellement au grondement qui montait crescendo.
Le météore fonçait droit vers la route. Kyle ressentit tout d’abord de l’étonnement et de l’émerveillement, mais lorsqu’il retrouva ses esprits il fut saisi d’une terrible peur empreinte de fascination. Depuis son plus jeune âge il avait été fasciné par cet élément primaire. Il aimait le feu, mais comme chacun le sait lorsqu’elle n’est pas tempérée cette passion dangereuse s’avère souvent mortelle. C’est une passion qui consume l’âme à petit feu jusqu’à ce que le corps soit à son tour consumé par les cruelles flammes tentatrices d’un brasier dont la puissance n’a souvent d’égal que la passion de l’homme prisonnier de leur enchantement. Mais, bien heureusement, ce genre de chose n’arrive que lorsque le sujet s’abandonne à cette passion brûlante et dangereuse que l’on nomme pyromanie. Cela n’était pas le cas de Kyle.
A peine une seconde avant l’impact, Kyle, qui avait eu les muscles tétanisés par la peur, se détendit. Quand il repensait, il perdait la vie sans le moindre regret. Après tout, rien ne le retenait. Il n’avait d’ailleurs aucune raison de vivre et contrairement au commun des mortels, il n’aspirait à aucun rêve. En réalité cela faisait déjà bien longtemps qu’il était mort, à l’intérieur. Il n’était rien de plus qu’une âme vide, à demi-morte, errant sans but dans un monde qui n’est pas le sien, celui des vivants. Il était pareil à une tâche grise sur une toile noire tachetée de points blancs, une âme fatiguée et affaiblie. Mais qu’importe tout cela, lui et sa tante était destinés à mourir. Cette dernière c’était évanouie quelques secondes auparavant, laissant la voiture sans conducteur. Le véhicule hors de contrôle fonçait tout droit, menant ses passagers au-devant de leur funeste destin.
Le météore fondit sur le véhicule et la collision eut lieu dans une déflagration iridescente. Juste avant de sombrer dans le néant, Kyle eu comme une hallucination. Il vit le visage d’un spectre à la chevelure d’un mauve sombre, presque noire et aux yeux d’un bleu éclatant.
« Finalement, le visage de la mort n’est pas si terrifiant. »
Raphaëlla se réveilla en sursaut. Cherchant ses repères, elle regarda autour d’elle et s’aperçut de deux chose: premièrement elle voyait flou et deuxièmement elle était nue comme un ver. Elle cligna des yeux pour éclaircir sa vue. Elle se trouvait dans une chambre d’hôpital entièrement peinte en blanc. La pièce paraissait exigüe mais en réalité se n’était qu’un effet créer par l’impressionnante quantité d’appareils branchés à elle qui occupaient presque tout l’espace. Hormis les appareils, elle avait pour seul mobilier une table de chevet, blanche, ainsi qu’une chaise pliable grise en métal. Elle s’assit, puis entreprit de retirer les capteurs et les électrodes épars qui recouvraient son corps, jugeant qu’il serait avisé de ne pas toucher aux multiples perfusions pour le moment. Lorsqu’elle eut fini elle se releva avec difficulté. Au même moment une infirmière entra dans la chambre. Celle-ci écarquilla les yeux lorsqu‘elle vit la que la patiente était debout.
- Que faites-vous mademoiselle ? Rallongez-vous, vous n’êtes pas encore tout à fait remise.
- Mais de quoi parlez-vous ? Et qu’est-ce que je fais dans un hôpital ?
- Vous ne vous souvenez pas de la météorite elle tombée sur une voiture en plein milieu d’une autoroute, à coté de Paris. Tout a été calciné dans un rayon de plus de deux kilomètre. Il y a eu plus d’une centaine de morts. Étrangement vous êtes la seule rescapée. Les secours vous ont trouvée à la périphérie du cratère provoqué par l’impact de la météorite. Il y a aussi eu le jeune adolescent qui se trouvait à côté de vous, mais il est mort de ses blessures, il y a environ une vingtaine de jours. Et pendant tout ce temps, vous, vous étiez dans le coma, en tout vous êtes restée dans cet état depuis à peu près quatre semaines. Vous étiez brûlée au troisième degré sur tout le corps. Les médecins avaient abandonné tout espoir de guérison, certains parlaient même de vous débrancher, jusqu’à il y a une semaine. Les tissus de votre corps ont tout d’un coup commencé à cicatriser à une vitesse si époustouflante que c’était visible à l’œil nu.
Une chose est certaine, maintenant vous êtes presque totalement remise et que certains médecins voudrons à tout prix vous examiner s’ils ont vent de ce phénomène, pour le moins miraculeux. Mais, heureusement, le chef de cet hôpital est un homme bon : il a fait en sorte que cette histoire ne soit pas ébruitée. Seuls les membres du personnel hospitalier qui se sont occupés de vous seront au courant.
Un médecin fit irruption dans la chambre.
- Ah ! Vous vous êtes enfin réveillée Mlle Skylaw, s’émerveilla-t-il en tendant les bras vers le ciel comme pour le remercier d’avoir accompli une telle succession de miracles.
- Mlle Skylaw, je vous présente le Dr Alfred Enox. C’est le médecin qui s’est occupé de vous.
- Eh bien, chère demoiselle, vous me voyez ravi de vous voir en si bonne forme. Vous avez bénéficié d’une chance inouïe. Cela n’a malheureusement pas été le cas de l’autre survivant. Il est décédé il y a quelques semaines, mais je suppose que Marine vous a déjà tout expliquer sur ce qu’il a bien pu se passé pendant que vous étiez inconsciente.
- Oui, c’est exact. J’ai déjà été informée de tout cela, y compris de la mort de ce pauvre adolescent. Cela mis à part, quand pourrais-je sortir de cet hôpital ?
- Étant donné la situation actuelle, je pense pouvoir me permettre de dire qu’il serait préférable pour vous que l’on vous garde en observation pendant quarante-huit heures, au moins. Ensuite vous pourrez vous en aller. Si vous le souhaitez, un de nos ambulancier vous raccompagnera jusqu’à votre domicile ou alors nous pouvons aussi appeler un taxi à votre attention.
- C’est très gentil à vous, merci.
- Voyons, inutile de me remercier. C’est tout à fait normal, dit-il en se dirigeant vers la porte.
A peine eut-il franchi la porte que l’infirmière le suivit après avoir recommandé à Raphaëlla de prendre un peu de repos. Seule, elle se rallongea, tourmentée par une question qui l’obsédait et à laquelle personne, à part elle, ne pouvait répondre : Ce qu’elle avait vu en rêve, durant son coma, était-il réel ? Elle ne le saurait probablement pas avant longtemps.
L’heure de la libération de Raphaëlla allait bientôt sonnée. On lui avait fourni de quoi se changer et indubitablement, elle appréciait de porter autre chose qu’une blouse d’hôpital. Ça lui faisait un bien fou et cela avait dissipé l’ombre de fatigue qui planait sur elle depuis son réveil.
Marine, l’infirmière, s’était spontanément dévouée afin d’aller chercher des vêtements convenables chez elle – par miracle, les clefs avaient été retrouvées intactes dans la boite à gants de sa voiture calcinée.
Alors que Raphaëlla remplissait les formulaires de sortie, une violente explosion retentit, faisant trembler l’édifice. Dès lors, des ambulanciers et des infirmiers affairés se précipitèrent dans la cage d’escaliers. N’ayant guère envie de s’attarder en ce lieu maintenant devenu dangereux, elle termina prestement de remplir les-dit formulaires, puis sortit de l’hôpital au pas de course. Elle se rua ensuite à l’intérieur de la voiture louée à son intention.
A cet instant, plusieurs déflagrations simultanées eurent lieu dans le bâtiment. Certaines d’entres-elles éventrèrent même le mur Est de l’édifice. Elles étaient telle une meute de loup lacérant les flancs d’un élan. Seulement quelques secondes après, alors qu’elle s’apprêtait à démarrer la voiture, elle vit du coin de l’œil une silhouette imprécise et filiforme avançant à travers les flammes, les cendres et les décombres de l’hôpital désormais en ruines. Lorsque la silhouette émergea des flammes, Raphaëlla fut soudain prise par une peur viscérale qui manqua de la paralyser. Animée par son instinct de survie, elle s’acharna sur le démarreur, comme si on avait prématurément creusé son tombeau et qu’elle se démenait corps et âme pour sortir du cercueil à l’aide de ses doigts ensanglantés. Tandis que la silhouette se rapprochait, ses contours se précisèrent et Raphaëlla put sentir l’aura de puissance démesurée qui enveloppait ce démon au corps d’ange tel un luxueux manteau noir à collet d’hermine. La voiture refusant de démarrer Raphaëlla se savait condamnée. Le démon des flammes se dirigeait vers elle et il n’était plus qu’à une vingtaine de mètres et au plus profond d’elle-même une petite voix lui disait qu’il était depuis longtemps trop tard pour fuir.
Lorsqu’il arriverait à elle, sa propre mort l’accompagnerait. Elle savait que son existence – longue de vingt-neuf années – touchait désormais à sa fin. Tétanisée, elle attendait la mort, une mort plus que risible pour la dirigeante d’une des plus puissantes ONG du Royaume-Uni.
CHAPITRE 2 : Songes éthérés
Recroquevillé dans la brume, il avait faim, froid et soif. Cela devait faire environ deux heures qu’il errait dans cette brume immatérielle. Quelques jours auparavant, il était arrivé dans cet endroit qui semblait être un étrange plan existentiel soustrait à l’emprise de la course du temps ainsi qu’à ses heurts. Depuis sa venue il n’avait cessé de déambuler, prisonnier de ce monde étrange. Il reprit son calme et se remis en route. Tout autour de lui, il n’y avait que ce froid agressif et impalpable. Il le ressentait d’autant plus qu’il était nu comme un vers. Transis de froid, il s’imagina portant des vêtements bien chauds. A peine eut-il fait un pas qu’il s’en retrouva soudain affublé. Désormais de meilleure humeur, il allait poursuivre son errance lorsqu’il aperçut dans la brume une silhouette qui se dirigeait vers lui. Il la regarda s’approcher silencieusement et vit qu’il s’agissait d’une jeune femme. Elle avait des yeux bleus aux pupilles verticales et des cheveux couleurs d’ébène aux reflets d’améthyste. Sur son corps aux allures félines, elle portait une longue cape de voyage en velours rouge sombre. Elle se débarrassa de sa capuche et lui demanda :
– Enfin…Ça fait déjà plusieurs jours que je te cherche.
– Qui êtes-vous ? Que me voulez-vous ? Où est-on ?
– Ça fait beaucoup de questions d’un coup, mais je vais tâcher d’y répondre. Je me nomme Amélia Löshiel, Seigneur Démon du cinquième cercle. Je suis là à cause de la météorite. Je me suis sacrifiée afin que mon âme fusionne avec celle d’un humain afin de sauver le peu qu’il reste de ma civilisation et de ma race. Il se trouve que tu es l’humain dont il est question. Pour répondre à ta dernière question, nous sommes ici dans ton esprit.
– O.K. Donc si je comprends bien on est dans ma tête, t’es une démone et je dois faire fusionner mon esprit avec le tien pour sauver une civilisation que je ne connais pas de la destruction.
– Pour faire court, oui, c’est ça.
– Ha, ha, ha ! C’est bon, ça y est, j’ai compris. Je suis inconscient et mon esprit doit être en train de délirer.
– Non, je suis très sérieuse.
– Vous vous moquer de moi ! Comme si j’allais croire vos divagations.
– Très bien, dit-elle, alors je ne te dirais qu’une seule chose : pour l’instant, même si nous n’avons pas fusionné nous sommes déjà liés. Lorsque tu te réveilleras tu t’apercevras que ton corps aura subit quelques… changements. Tes acuités sensorielles et tes capacités physiques seront fortement accrues, ensuite tu commenceras à être malade parce que tu seras en manque sang. Chaque humain de ton entourage sera en danger et à ce moment là, si tu ne me crois toujours pas alors je ne pourrais plus rien pour toi. Je finirai par mourir et toi, tu ne seras plus qu’un monstre assoiffé de sang, une bête qui ne vivra que pour se nourrir jusqu’à ce que quelqu’un ait le courage et la force de t’abattre comme chien enragé.
– Quoi ! Mais qu’est-ce vous racontez ! Vous êtes folle ! Vous croyez que je vais me transformer en une sorte vampire fou furieux ? Une météorite s’est écrasée juste devant moi, c’est déjà un miracle que je sois encore en vie.
– Un miracle, répéta-t-elle avec dédain, je ne crois pas. Seule ma présence t’as permis d’échapper à une mort certaine. Crois réellement qu’un faible humain puisse survivre dans de pareilles conditions. Il y a quelques jours encore tu t’éteignais à petit feu. Tu me tenais à l’écart, inconsciemment, par la seule force de ton esprit. Ce n’est que lorsque ton état est devenu critique que ton esprit a commencé à se lézarder, me donnant ainsi l’occasion de le pénétrer.
– D’accord, admettons que je vous crois. Si je vous aide est-ce que je pourrais toujours continuer à vivre comme je l’entends ?
– Oui, cependant tu devras d’abord suivre un entraînement pour apprendre à contrôler et à développer tes nouvelles capacités. Par la même occasion, je t’apprendrai aussi à tuer et à survivre. C’est essentiel, sinon, tu ne seras pas de taille face à un Daeva et, inévitablement… tu mourras. Est-ce que çà te conviens ?
¬– Ouais, c’est O.K. En revanche, comment on fait pour sortir de là ?
– Ce serait plutôt à moi de poser cette question, puisque c’est toi qui nous y as emmenés. Tout ce que j’ai fais c’est essayer de modifié un peu l’environnement pour le rendre plus vivable, mais comme tu peux le voir je n’ai pas obtenu l’effet escompté.
– Comment ça ?
– En fait, au départ c’était une véritable fournaise, on aurait pu y forger du métal tant l’air et le sol étaient chauds. Alors, pour changer çà j’ai voulu rafraichir l’atmosphère, mais … visiblement … ça a trop bien fonctionné !
– Bon, eh bien… cela mis à part, nous devrions chercher une issue. Il doit forcément y en avoir une quelque part.
– Attends ! Avant de partir d’ici, il faut passer le contrat.
– Quoi ? Quel contrat ?
– Ce contrat, dit-elle en sortant un parchemin de sous sa cape. Il permettra de nous lier l’un à l’autre et çà facilitera notre synchronisation.
- C’est hors de question. Elle est louche ton histoire de contrat. Et puis, … laisse-moi deviner … çà se signe avec du sang ?
- Euh… oui, évidemment. Avec quoi d’autre tu voudrais le signer ? Tous les contrats démoniques se signent avec du sang.
- C’est bien ce que je pensais. Raison de plus. C’est non.
- C’est obligatoire, on ne peut pas faire une synchronisation à l’état brut, sans contrat. Ce serait trop dangereux. De plus, nous mourrions tous les deux si par malheur elle échouait.
- Je suis prêt à prendre le risque. Je préfère ça plutôt que de signer un contrat louche écrit en langue démonique.
- Très bien, allons-y. Mais, dit-elle avec un sourire dément et sadique, je te ferais regretter d’avoir risqué ma vie sans aucune considération, sans hésitation et allant même contre mon avis. Je te ferais regretter d’être venu au monde, petit impudent.
- Est-ce que, par hasard, la grande Démone aurait peur pour sa vie ?
- Pas du tout. Mais çà m’énerve de devoir dépendre du bon vouloir d’un petit impudent à peine sortit du berceau.
Kyle la regarda d’un air stupéfait et perplexe.
- A peine sorti du berceau ? Tu y vas un peu fort là, tu ne crois pas ? Si je ne me trompe pas, on a environ le même âge à deux ou trois ans près, alors je trouve çà un peu exagéré.
- J’ai peut-être l’air jeune mais je suis infiniment plus âgée que toi.
- Qu’est-ce que tu entends par « infiniment » ? Plus de cent, demanda-t-il avec une pointe d’effarement dans la voix.
- On ne t’a jamais appris qu’il était très indiscret de demander son âge à une femme, demanda-t-elle avec un pointe d’agacement.
- OK, j’ai touché un point sensible apparemment. C’est bon pas la peine de s’énerver, je m’excuse votre centenaire Altesse.
- Petit impertinent, fulmina la démone en pointant vers lui un doigt menaçant.
- Bon, c’est pas tout mais, on la fait cette synchronisation ?
- Bon sang, mais il est impossible ce gosse, dit-elle pour elle-même. Il veut faire une synchronisation Pandora alors que plus personne n’en fait depuis plus de deux mille ans. Même les Anges ne l’utilise plus tant elle est dangereuse et un gamin voudrait que je brise un accord tacite de plus de deux mille ans !? C’est de la pure folie, dit-elle, la voix rendue plus aigue à cause de l’hystérie qui commençait à la saisir.
- Une synchronisation Pandora ? Qu’est-ce que c’est que ça ?
- C’est ce que tu veux faire : un suicide ! C’est une synchronisation à l’état brut. Considère qu’une synchronisation des âmes est un cheval que tu voudrais monter. Avec le contrat c’est comme si tu l’apprivoisais, alors que sans, c’est comme essayer de monter un pur-sang totalement hors de contrôle.
- Peu importe. De toutes manières, tu ne me convaincras pas avec ce genre d’arguments. Je préfère encore essayer dresser le cheval sauvage et le forcer à m’accepter sur son dos plutôt que de faire confiance à un cheval qui me fera faire une chute mortelle au moindre obstacle à sauter.
- Tu insinue quoi, au juste ?
- Rien. Je ne te fais pas confiance, c’est tout.
- Eh bien, je ne m’attendais pas à ce que tu m’accueille à bras ouverts, mais de là à me considérer de la sorte…
- Si je t’ai blessé je m’en excuse, mais je préfère être franc.
- Soit, songes cependant à tempérer tes propos. Bref, quoi qu’il en soit, faisons la synchronisation sinon j’ai bien peur que ton corps ne soit trop endommagé pour la supporter si nous tardons encore.
- Endommagé ?!
Kyle, étonné, la regarda d’un air intriguer.
- Ici, nos esprits sont comme emprisonnés dans une dimension soustraite à l’espace-temps, néanmoins notre corps – ton corps – subit toujours les dégâts du temps. De plus, je suppose qu’après la catastrophe qu’a provoquée mon arrivée, les humains ne sont pas restés sans rien faire. Ils ont du venir soigner les blessés et chercher les corps des victimes. Le fait est que pour le moment ton corps se trouve, dans un état de non-vie : tu n’es ni mort, ni vivant, pourtant tu parais être mort et ton cœur ne bat plus. On peut aussi ajouter à cela le fait que ta chair doit avoir été carbonisée par le souffle généré lors de l’impact de mon météore. En bref, pour tes semblables tu n’es plus qu’un cadavre calciné. De plus, il est possible qu’ils t’incinèrent si un quelconque membre de ta famille en fait la demande et, dans ce cas, nous ne pourrions plus rien faire. Nous mourront, purement et simplement.
- Très bien, alors dépêchons-nous de faire cette synchronisation.
Amélia sortit la dague rituelle de sous sa cape de velours rouge et s’entailla les deux avant-bras à mi-hauteur du coude et du poignet. Du sang mauve à la teinte bleutée s’écoulait lentement de la blessure. Elle tendit ensuite l’arme à Kyte qui l’imita consciencieusement. La démone se mit alors à psalmodier des incantations latines. Sa voix montait et descendait comme suivant le rythme d’une antique mélodie voyageant à travers les âges.
Lentement, progressivement, un complexe pentagramme fit son apparition, irradiant une lueur malsaine. Des émanations noirâtres s’épanouissaient sur à sa circonférence jusqu’au-dessus leurs têtes.
Kyte se sentait comme transcendé. Bizarrement, cette cérémonie lui conférait un plaisir indicible. Alors que la blessure aurait du être douloureuse, la réalité était tout autre. Une merveilleuse sensation de picotement se répandait sur sa peau en partant du sommet de son crâne jusqu’à ses doigts et la pointe de ses pieds. Dans le pentacle, s’inscrivaient des glyphes anciens qui commençaient à conférer à l’ensemble un pouvoir à la fois oppressant et libérateur.