[Bonjour à tous! Avant toute chose, je tiens à expliquer un peu ce projet. C'est donc une histoire d'héroïc-fantasy, que j'ai commencée il y a quelques mois, et qui comporte pour l'instant 12 chapitres. Pour être tout à fait franc, la plupart des chapitres sont du "premier jet" donc il peut subsister quelques fautes, répétitions etc. De plus, les premiers chapitres ne sont, à mon sens, pas les mieux écrits, notamment au niveau du point de vue. Néanmoins je les laisse comme tel à l'heure actuelle, car c'est aussi important pour moi de voir comment je me suis amélioré tout du long (et que j'ai un peu la flemme de les réécrire maintenant aussi). Bref voilà, sachez aussi que j'ai peu de temps pour écrire donc ça n'avance pas trop à l'heure actuelle. Voilà, en espérant que ça vous plaise, je ne vais pas vous mettre les 12 chapitres d'un coup, mais voilà le premier!]
Chapitre 1 : Jeune homme
« - Venez goûter mes légumes ! Venez goûter mes fruits !
- Du bon poisson frais, venez venez !
- Des objets de collection, des antiquités de l’ère ancienne, n’hésitez plus ! »
Des phrases d’accroches, aussi multiples que variées, étaient lancées à tout va au milieu du brouhaha qui animait la place centrale de ce petit village. C’était sous un magnifique ciel bleu, avec un soleil plus resplendissant que jamais, qu’avait lieu, comme tous les quinze jours, le marché du village d’Urtah. C’était certes un village de taille modeste, mais il attirait des foules impressionnantes lors de ces journées. Sous les grands arbres plantés au milieu de la place, de nombreux commerçants et artisans étaient présents pour vendre leurs produits. On trouvait là un boucher, ici un forgeron ou un menuisier, et on pouvait même parfois espérer croiser la jeune fleuriste venue tout droit de la « grande ville », comme les habitants l’appelaient.
Elle était présente ce jour-là, et on pouvait sans conteste dire que c’était elle qui attirait le plus de foules. Non pas seulement pour sa beauté, mais aussi et surtout pour celle de ses fleurs. On pouvait y trouver toutes sortes de plantes, parfois exotiques, et tout le monde voulait avoir la sienne pour pouvoir l’exposer devant chez lui, pour montrer à son voisin qu’il avait réussi à en obtenir une. Parmi sa collection, il y avait de magnifiques fleurs à la fois rouges et bleues venues des Îles du Sud, une grande plante jaune avec un nombre incalculable de pétales en provenance de la lointaine souveraineté de Sillis, et toutes sortes de petites fleurs roses venues des quatre coins du monde.
Il faut dire que pour cette petite bourgade située quasiment au centre du grand empire d’Irmald, il n’était pas courant de voir des produits venus d’aussi loin. Rare étaient ceux qui avaient les moyens de pouvoir se rendre jusqu’à la capitale, située plus à l’est du pays, à deux ou trois bonnes semaines de cheval, pour y ramener des produits exotiques, et plus rare encore ceux qui allaient à Malarth, le grand port de l’est, carrefour de nombreux commerces avec les autres pays. Ce n’était donc pas étonnant si, à chaque fois que cette jeune fleuriste venait, c’était un petit évènement pour les habitants. Elle le savait et, même si sa présence se faisait de plus en plus rare, elle aimait pouvoir profiter de ces quelques instants.
« - Excusez-moi ? »
Perdue dans ses pensées, la jeune fille, une magnifique fleur orange dans ses cheveux bruns, releva la tête vers la voix qui venait de l’interpeller. C’était un homme, entre vingt et trente ans, qui se tenait devant elle. Assez grand, pas bien gros, il avait des cheveux châtains bien coiffés et un visage qui lui était familier. Il portait une courte cape marron, une sorte de tunique avec un pantalon assez chic, sans non plus être ostentatoire, et des chaussures qui, pour le coup, n’allaient pas avec le reste, car elles n’étaient plus en très bon état. A sa ceinture, il y avait deux ou trois fioles remplies chacune d’un liquide visiblement différent, ainsi qu’un petit sac qui semblait bien chargé. Ses petits yeux verts se plongeaient dans le regard de la vendeuse, qui continuait de l’observer, persuadée qu’elle l’avait déjà vu.
« - Excusez-moi ? Est-ce que vous avez les graines de Fleur d’Ethram ? »
De nouveau perdue dans ses pensées, elle sursauta en entendant la question, avant de reprendre son sourire et son air calme habituel.
« - Ah, vous êtes le monsieur de l’autre fois, je me souviens de vous, se mit-elle à dire, souriante. Je suis désolée, mais mon fournisseur n’a pas réussi à en trouver… C’est que c’est une plante rare, vous savez !
- Oh, je vois, répondit le jeune homme avec une pointe de déception dans ses paroles. Dans ce cas, je ne vais pas vous gêner plus longtemps. Merci quand même. »
Sur ces mots, il la salua et repartit comme il était venu. Elle continua de l’observer quelques instants, avant qu’il ne se perde totalement au milieu de la foule, et qu’elle se fit apostropher par un autre client, visiblement désireux de savoir combien pouvait valoir une magnifique fleur violette.
Le jeune homme continua son chemin, quittant la place centrale et ses étals pour se perdre dans les quelques ruelles du village, au milieu de grandes maisons aux balcons fleuris. Il semblait que tout le monde, par ici, vivait dans un certain confort. Il n’y avait pas une seule maison délabrée, les rues étaient propres, et personne ne semblait se plaindre. Bien que perdu au milieu de nulle part, il y faisait bon vivre. Par moment, il pouvait voir à leurs fenêtres des personnes âgées profitant du soleil de la journée, de jeunes couples s’embrassant sur les balcons ou des enfants jouer avec un ballon en peau dans les rues. A aucun moment, cependant, il ne se laissait distraire, continuant son chemin jusqu’à arriver devant un bâtiment un peu plus grand que les autres, à la sortie d’Urtah. Visiblement, c’était une sorte d’auberge, avec quelques chevaux à l’extérieur. Il ne prit pas la peine d’aller à l’intérieur et, sous le regard du propriétaire de l’établissement, monta sur le cheval qui était probablement le sien, avant de sortir du village en saluant le gérant.
Urtah avait, contrairement à beaucoup d’autres villages du pays, non seulement la chance d’en être au centre, mais d’être aussi un des points de séparation entre les grandes plaines de l’est et les innombrables hectares de forêt qui peuplaient le centre de l’empire. Celui-ci était situé au sud/sud-est de l’espèce d’énorme croissant, même si il n’était pas de forme parfaite, formant le continent d’Emeris. Il avait ainsi la chance de profiter de la quasi-totalité des côtes du Sud, les quelques portions restantes appartenant à son voisin et rival Aernast. La partie est du pays, la plus peuplée, comprenait notamment plusieurs grands ports, mais aussi et surtout Herzol, la capitale impériale. Le centre du pays, lui, était en grande majorité composé de forêts luxuriantes avec de petits villages, alors que le sud contenait principalement des plages de rochers et de gigantesques falaises, avec quelques grandes villes. Plus à l’ouest, à la frontière avec le Royaume d’Aernast, c’était de grandes montagnes qui prédominaient, très peu habitées. Ainsi, une bonne partie des personnages voyageant depuis l’est de pays passaient par Urtah, ce qui lui avait valu une faible mais néanmoins existante notoriété.
Cependant, sur son cheval, le jeune homme prenait la direction de l’ouest, et commença à s’enfoncer un peu dans les bois alentours. Toutes les forêts du centre du pays étaient en fait plus ou moins rassemblées pour former un tout, un continuum d’arbres, ajoutant de la grandeur à l’ensemble. Cela donnait au final une magnifique forêt, très éclairée et avec de gigantesques arbres qui, pour la plupart, devaient bien avoir plusieurs centaines d’années d’existence derrière eux. On pouvait aussi y trouver de nombreuses fleurs, buissons et plantes diverses faisant la joie de tous ceux désireux d’en étudier les propriétés. La faune n’était pas en reste, car si l’on pouvait croiser des sangliers, écureuils, insectes, oiseaux et autres animaux divers et variés, comme dans la plupart des forêts, il se pouvait parfois, si la chance vous souriait, que vous y croisiez des espèces plus rares, et certains racontaient même que des esprits pouvaient parfois s’y promener…
Il continua sa route, la connaissant vraisemblablement très bien, durant quatre bonnes heures, s’arrêtant juste parfois pour ramasser une plante et la ranger dans son sac. Il arriva finalement dans une petite clairière, au sein de laquelle se trouvait une maison de bois qui, sans être imposante, était tout de même grande. Au vu des fenêtres, elle possédait vraisemblablement deux étages. Un balcon se profilait en haut de la maison, et le toit, plat, était recouvert de divers végétaux qui, pour certains, retombaient sur les murs avec une grâce certaine. De la fumée grise s’échappait de la cheminée, et une douce odeur arrivait aux narines du jeune homme et de sa monture. A côté de la maison, on pouvait notamment trouver un puits, un petit cabanon assez rustique, ainsi qu’un enclos dans lequel se tenait déjà un cheval. Au milieu de la clairière, devant la maison, un immense arbre, plus grand que ceux qu’il avait pu voir sur son chemin, se dressait et des centaines, voire des milliers de fleurs l’arboraient.
En arrivant ici, un léger sourire se forma sur son visage. Il alla déposer son cheval dans l’enclos, l’attachant avec précaution et lui caressant doucement la face, avant de se rendre à l’intérieur du bâtiment.
L’entrée donnait directement sur une grande pièce, unique. D’un côté, on pouvait y distinguer une sorte de cuisine, avec une cheminée à l’intérieur de laquelle une casserole était suspendue à une barre horizontale, divers rangements ainsi qu’une petite table, ne pouvant probablement pas accueillir plus de trois ou quatre personnes en même temps. Tout y était parfaitement bien rangé, chaque couvert, chaque chaise était à sa place, à l’inverse de l’autre côté de la pièce. On pouvait y voir quelques fauteuils sur lesquels traînait de la paperasse, de nombreuses bibliothèques avec des livres un peu dans tous les sens, ainsi qu’une immense horloge. En face de lui, un escalier circulaire permettait d’accéder aux étages supérieurs. Du côté de la cuisine, un peu à côté des rangements, une trappe laissait penser qu’il y avait aussi probablement des sous-sols.
« -Cadus ? C’est toi ? »
La voix provenait de l’étage supérieur, résonnant dans l’escalier. Le jeune homme n’eut pas le temps de répondre que, déjà, des bruits de pas se faisaient entendre et qu’un autre homme arrivait dans la pièce en descendant rapidement les marches. Plus petit, plus trapu, visiblement un poil plus âgé (probablement proche de 35 ans) son style contrastait presque totalement avec celui du dénommé Cadus. Il portait un tablier couvert de taches assez colorées pour la plupart et, en-dessous, un vieil haut déchiré et un pantalon un peu trop long, couvrant presque entièrement ses pieds. Ses cheveux étaient aussi beaucoup plus décoiffés, et une mèche un peu trop longue cachait son œil droit, marron. Il avait dans les poches de son tablier quelques plantes qui dépassaient, et on pouvait voir qu’il avait lui aussi à sa ceinture diverses fioles. En arrivant dans la pièce, un large sourire éclaira son visage.
« - Ah, Cadus ! Alors dis-moi, est-ce que tu l’as ? Demanda-t-il avec une certaine excitation dans la voix. »
Cadus le regarda, visiblement un peu dépité et, tout en posant sa cape sur l’un des fauteuils présents et en retirant ses chaussures, lui répondit d’une voix calme et posée.
« -Hélas non, Dauin. La marchande n’avait toujours pas de graines des fleurs d’Ethram. J’ai bien peur que notre fiole de Panacée ne soit pas encore prête aujourd’hui.
-Oh… C’est le seul ingrédient qui nous manque… soupira Dauin, perdant son grand sourire.»
Attristé, il remonta lentement l’escalier, suivi par Cadus. Ce dernier s’arrêta au premier étage, pendant que son compagnon continua vers l’étage le plus haut de la maison.
Ce premier étage était particulièrement rempli, tellement qu’il ne semblait n’avoir aucun ordre apparent. On pouvait observer trois grands alambics, dont deux étaient en fonctionnement, et quatre plus petits qui n’étaient pour leur part pas chauffés. Entre ceux-ci, là où il y avait de la place, de grandes étagères se dressaient, contenant des livres, des plantes, des parties animales ou différentes roches. Il y avait aussi une ou deux marmites posées sur des trépieds, au-dessous desquels un léger feu était allumé, piégé dans un cercle en pierre. Par terre, un peu partout ailleurs, il y avait des feuilles sur lesquelles étaient écrites de complexes formules qui trainaient. En entrant dans la pièce, Cadus prit un des tabliers accrochés, alla éteindre un des feux fonctionnant sous les alambics et s’approcha d’une des deux marmites, brassant lentement le liquide à l’intérieur à l’aide d’une grande louche, avant que Dauin ne revienne.
« - Qu’est-ce qu’on va dire au Cercle ? demanda-t-il, inquiet. On devait leur exposer notre grande découverte dans moins d’un mois…
- Eh bien on va repousser l’échéance, répondit le jeune homme en haussant les épaules. On s’est sûrement un peu précipité en annonçant notre découverte.
-Ils vont encore dire que nous ne sommes que des alchimistes de campagne… »
Soupirant profondément, le petit alchimiste s’approcha à son tour de la marmite. Il murmura quelque chose comme « Il ne manque que ça… », puis alla chercher un livre dans une des étagères et retourna de nouveau à l’étage supérieur.
Après deux ou trois heures passées à s’occuper des mélanges présents dans tous les contenants de la pièce, l’alchimiste éteignit tous les feux, posa son tablier là où il l’avait pris, et sortit.
La nuit était maintenant tombée. Fraîche mais claire, elle laissait apercevoir la lune, pleine, et les multiples étoiles présentes à travers l’immensité du ciel. Un léger vent soufflait, transportant avec lui quelques feuilles et fleurs provenant de la forêt voisine. Cadus s’allongea par terre et, pendant quelques instants, ferma les yeux, soupirant un peu par moment.
« - A quoi penses-tu ? »
Rouvrant les yeux, il aperçut à côté de lui Dauin, qu’il n’avait pas entendu arriver, visiblement trop perdu dans ses pensées pour cela.
« -J’espère juste que notre recette est bonne. J’ai envie de présenter une vraie découverte. Qu’ils arrêtent de nous considérer comme de piètres alchimistes.
-On a vérifié plein de fois. Il n’y a pas d’erreurs normalement, répondit l’autre alchimiste en s’asseyant à ses côtés. Mais tu les connais comme moi. Ils se croient plus forts que tout car ils bossent pour l’Empire. Ils me font un peu peur parfois… »
Le jeune alchimiste sourit un peu en entendant cette réponse, mais ne répliqua rien. Il se contenta de continuer à regarder le ciel plein d’étoiles, tout en sentant le vent frais sur son visage. Après quelques minutes passées ainsi, l’un à côté de l’autre, sans rien se dire, il se leva finalement et repartit à l’intérieur. Il gravit les escaliers jusqu’au deuxième étage, au sein duquel se trouvait une pièce beaucoup plus simple et beaucoup moins remplie que la précédente. En effet, elle ne contenait que deux lits simples, chacun à un bout de la pièce, ainsi que deux commodes et une étagère. Il se déshabilla, enfila une tenue plus simple et, sans plus attendre, éteignit la bougie qui éclairait la pièce avant de se coucher.
Un bruit sourd le réveilla en sursaut le lendemain matin. On aurait dit que quelque chose venait de taper fortement contre la maison. Il regarda vivement autour de lui, mais n’aperçut rien d’autre que son collègue qui dormait. Il se leva doucement, pensant que tout ceci n’était peut-être qu’un rêve, mais le bruit se fit entendre. une nouvelle fois. On tapait contre la porte, assez fortement. Et, ce coup-ci, il entendit aussi une voix qui criait.
« -Ouvrez vite, s’il vous plaît ! »
Sans plus attendre, et bien qu’ayant l’esprit encore un peu embrumé, il se précipita dans l’escalier pour descendre jusqu’au rez-de-chaussée et ouvrit la porte d’entrée. A l’extérieur, une jeune femme et un homme attendaient. L’homme portait dans ses bras un garçon, un adolescent yeux fermés.
« -S’il vous plaît, vous devez nous aider, se mit à crier la femme. On vient de Datre, et on l’a trouvé ce matin évanoui à l’entrée du village… Vous devez faire quelque chose ! »
Sans répondre, l’alchimiste regarda l’adolescent, puis le prit avec lui avant de l’emmener à l’intérieur, suivi par les deux autres personnes. Il le posa délicatement dans un fauteuil, passa sa main sur son front, puis se mit à crier fortement.
« - Dauin, réveille-toi ! Et ramène une fiole de concentré de Kaliom ! »
Un bruit sourd se fit entendre deux étages au-dessus et, en attendant qu’il descende, Cadus observa avec attention le garçon, à la recherche d’éventuelles traces. Il avait de courts cheveux bruns, et son visage avait encore les traits fins du début de l’adolescence. Il portait pour seul habit un haut à manche courte, déchiré mais qui devait vraisemblablement être chic initialement, et un pantalon court. Autour du cou, il avait aussi un collier avec au bout un symbole en or représentant deux éclairs. Sur son poignet gauche, un symbole inscrit représentait deux gouttes opposées à l’horizontale. Un peu partout sur son bras et ses jambes, on pouvait apercevoir des cicatrices et des traces de griffures. Sa respiration était haletante.
« - Où l’avez-vous trouvé exactement ? Demanda l’alchimiste aux deux personnes présentes.
- A l’entrée du village, à l’ouest. Il a dû arriver durant la nuit, car personne n’a rien aperçu hier soir, répondit l’homme.
- Vous n’aviez personne qui surveillait ?
- Non. On est un petit village tranquille vous savez. Nous n’avons que deux gardes, et ils doivent se relayer entre Datre et Aikah. Ils n’étaient pas là cette nuit. »
Cadus soupira un peu, mais avant d’avoir pu dire quoique ce soit de plus, Dauin déboula dans la pièce, un peu essoufflé, avec une fiole remplit d’un liquide vert peu engageant. Il l’apporta rapidement à son confrère qui lui prit des mains et en fit avaler presque la moitié au garçon. Il attendit quelques instants, puis rendit la fiole et se leva en direction des deux autres.
« - Bien, j’espère que ça fera l’affaire. Nous allons le surveiller, mais je pense qu’il s’en remettra. Nous vous préviendrons dès qu’il ira mieux. »
Soupirant de soulagement, ils sortirent de la maison, accompagnés par Cadus, montèrent sur les chevaux grâce auxquels ils étaient arrivés et repartirent en direction de Datre, petit village situé dans la forêt, à un peu plus d’une heure de la demeure des alchimistes. Fermant la porte derrière lui, l’alchimiste se fit aussitôt apostropher par son collègue.
« - Qu’est-ce qui se passe ? C’était qui eux ? Et lui ? Demanda-t-il en montrant l’adolescent du doigt.
- Ils l’ont trouvé ce matin évanoui aux portes de leur village. Et vu que nous sommes les alchimistes les plus proches… Mais viens voir ça plutôt. »
Lui faisant signe de s’approcher de la personne évanouie, il lui montra le signe qu’il avait sur le poignet gauche. Dauin ouvrit de grands yeux, et, après quelques instants où il sembla réfléchir, réussit finalement à exprimer ce qu’il pensait.
« - Un membre du Culte de Fae’orn ? Mais… Je croyais que leurs villages étaient situés à l’ouest de l’Empire, dans les montagnes…
- Précisément. A plusieurs jours d’ici… Je ne sais pas ce qu’il fait là, mais ce n’est probablement pas pour cueillir des champignons. Il nous dira sûrement ça à son réveil. »
La respiration du jeune garçon était devenue plus calme, plus régulière. Il semblait se remettre petit à petit. Durant la journée et la nuit suivante, Dauin et Cadus se relayèrent pour le surveiller, lui donnant de temps à autre des liquides plus ou moins étranges, surveillant sa respiration et son rythme cardiaque, étalant des sortes d’onguents sur les plaies encore un peu ouvertes qu’il avait.
Au petit matin, alors que les rayons du soleil commençaient tout juste à traverser les fenêtres, le jeune garçon commença à doucement ouvrir les yeux, sous le regard observateur de Cadus. Il se passa une main sur le front et, semblant finalement se réveiller complètement, sursauta un peu sur le fauteuil et tourna rapidement la tête de tous les côtés, apeuré.
« - Reste calme, lui dit doucement l’alchimiste. Tu viens juste de te réveiller, ne t’épuise pas déjà. Je suis Cadus Truns, alchimiste de fonction. On t’a retrouvé dans un village non loin d’ici, évanoui. On s’est donc occupé de toi. »
Le garçon se calma un peu, et plongea ses grands yeux bleus, visiblement remplis de questions, dans le regard de son soigneur. Il se passa de nouveau la main sur le front, comme lorsqu’on est atteint d’une forte migraine et, après quelques longues minutes de silence qu’il passa à regarder la pièce où il était, ouvrit finalement la bouche pour s’exprimer.
« - Je… euh… Je m’appelle Yzan… Yzan Raash. Je viens d’Irlidior, un village dans les montagnes de l’ouest…
- Quel âge as-tu, Yzan ? Demanda, toujours de son ton calme, Cadus.
- J’ai 13 ans Monsieur…
- Et qu’est-ce qu’un enfant de 13 ans comme toi fait aussi loin de chez lui ? »
Un nouveau silence s’établit entre les deux hommes. Yzan détourna son regard, et tripota machinalement le collier qu’il portait autour de cou. Visiblement, il ne voulait soit pas en parler, soit avait du mal à l’exprimer. A plusieurs reprises, il prit profondément sa respiration, sans rien dire, avant de finalement se décider à rompre le silence pesant qui s’était installé.
« - Mon village a été attaqué… Enfin, je crois. J’étais parti avec ma grande sœur… Quand on est revenu, on a vu qu’il y avait de la fumée, et on entendait des bruits bizarres… Comme des gens qui se battent. Elle m’a dit de ne pas m’approcher. Et puis, et puis… il y a eu les chevaux qui venaient. Elle m’a dit de me cacher loin… C’est ce que j’ai fait… J’ai couru, je, je… »
Cadus lui fit signe de s’arrêter là, alors que le garçon commençait à avoir les larmes aux yeux. Sa respiration était de plus en plus rapide, et raconter tout cela semblait l’avoir profondément épuisé.
« - Bien, inutile de m’en dire plus pour l’instant. Je vais aller te préparer à manger. Prends le temps de te reposer aujourd’hui. Nous irons voir les gardes du village demain matin, pour que tu leur racontes tout ça. En attendant, reste calme et évite les efforts inutiles. »
Le jeune garçon hocha la tête en signe d’approbation et, s’installant un peu mieux dans le fauteuil, ferma les yeux quelques instants, pour se calmer et reprendre un peu de force. Il avait du mal à penser calmement, du mal à réfléchir. Par instant, son corps se contractait au souvenir de ce qu’il avait vu. Au souvenir de la fumée au loin, des bruits de bataille, des chevaux qui approchaient, de sa sœur qui le laissait. Il sombra petit à petit dans le monde des rêves, avant d’être réveillé par une douce odeur. Il rouvrit les yeux et, en même temps qu’il se retourna pour savoir d’où cela venait, Dauin descendait les escaliers, visiblement attiré lui aussi par le doux fumet. Leur regard se croisa, et Yzan se cacha un peu derrière le fauteuil, ne laissait apparaître que les yeux et le haut de son crâne.
« - N’ait pas peur, lui dit Cadus. C’est Dauin, mon collègue de travail. Il est alchimiste lui aussi. Et il ne te fera aucun mal. »
A ces mots, le jeune homme se redressa, alors que le petit alchimiste vint lui serrer la main. Tous trois s’installèrent ensuite à table, autour du petit-déjeuner qui, bien que léger, avait déjà pour mérite de remplir un peu le ventre vide du nouveau venu. Après que Yzan eut raconté son histoire à Dauin, le repas se déroula en silence – ou presque au vu des bruits de mastication – et ce n’est qu’à la fin de celui-ci que l’alchimiste trapu prit la parole.
« - Alors comme ça, tu es un membre du Culte de Fae’orn, n’est-ce pas ?
- Euh oui… Pourquoi, vous ne l’êtes pas vous ? demanda timidement le garçon.
- Pas le moins du monde, répondit Cadus. Nous sommes alchimistes, donc nous faisons partis du Cercle du Savoir. »
Le jeune homme le regarda avec de grands yeux, ne semblant pas comprendre la relation de cause à effet entre le métier et l’appartenance à l’une des factions. Il ne posa cependant aucune question, et se contenta de baisser les yeux vers son assiette.
Le reste de la journée continua ainsi, sans encombre. Les deux alchimistes vaquaient à leurs occupations, surveillant du coin de l’œil l’adolescent qui se baladait un peu dans la maison et dehors, s’arrêtant parfois pendant une petite heure pour lire un des nombreux livres présents dans les bibliothèques. Non pas qu’il ne semblait réellement lire, car il mettait du temps à passer ne serait-ce qu’une page, mais il avait en tout cas le regard perdu en pleine réflexion, comme s’il ressassait sans cesse la même chose.
Après le repas du soir, où seuls les deux scientifiques discutèrent, Yzan sortit discrètement et s’allongea dans l’herbe devant la maison. Le ciel était plus couvert que la veille, cachant par moment la lune, mais on pouvait tout de même apercevoir bon nombre d’étoiles. Il les observa longtemps, tendant parfois sa main comme pour les attraper et, dans un soupir de tristesse, la laissait retomber doucement sur la douce pelouse.
« - Tu ferais mieux d’aller dormir. Demain, nous partirons dès les premières lueurs. »
Le jeune homme ne prit pas la peine de regarder qui était là. Cette voix ne pouvait être qu’à Cadus, beaucoup plus calme que celle un peu plus excitée de son compagnon. Il ne répondit pas et, après quelques secondes de silence, l’alchimiste vint s’allonger à ses côtés.
« - J’aime bien venir ici aussi. Observer les étoiles. Ça me détend. »
L’adolescent le regarda un peu, puis se retourna vers le ciel. Il ne répondit rien, de nouveau. Il se contenta d’observer, longuement. Il réfléchit. Comment se fait-il que regarder les étoiles puissent nous détendre ? Il ne savait pas. Ou plutôt, il n’était pas sûr de le savoir. Il n’était même pas sûr de savoir ce qu’était une étoile. Bien sûr, on lui en avait raconté des choses. Chaque étoile était un dieu ou une déesse. Un Faiseur, pour être précis. Il n’avait jamais totalement compris tout cela. Il n’était pas sûr de le comprendre vraiment un jour. Mais on lui avait dit que c’était comme ça, alors c’est ce qu’il avait retenu. C’est ce que ses parents lui avaient appris. Ces mêmes parents dont il n’avait aucune nouvelle.
Des larmes coulèrent doucement sur ses joues. Il n’avait pas pleuré – presque pas – depuis son départ. Il n’avait pas eu le temps pour ça. Il ne pensait qu’à aller loin, le plus loin possible. Loin de la fumée, loin des bruits. Mais ici, dans la tranquillité de la forêt, tout semblait revenir. A mesure que le vent soufflait sur son visage, les larmes coulaient de plus en plus. Il ne pouvait plus se retenir. Plus il y réfléchissait, plus il voulait s’arrêter, plus il continuait. Bientôt, il ne contrôlait plus rien, et un torrent déferla sous ses paupières. Il ne pouvait plus se retenir. Il ne voulait plus se retenir.
Il sentit tout à coup une main dans ses cheveux, frottant doucement son crâne. Cadus était là, accroupi à côté de lui. Il l’avait presque oublié, avec tout ça. Il avait presque oublié qu’il était là, à ses côtés. L’alchimiste lui sourit doucement, un sourire aussi calme que sa voix, puis se leva pour retourner à l’intérieur. Il n’y avait pas eu de mots. Il n’ en avait pas eu besoin. Lentement, les larmes s’arrêtèrent de couler. Le calme revint en lui. Il n’y avait rien qu’il ne puisse faire de plus, de toute façon. Il n’avait plus qu’à attendre, voir comment les choses allaient évoluer. Les gardes allaient les retrouver ces bandits. Et ses parents… C’est avec cette pensée, plutôt joyeuse, que le jeune garçon retourna à l’intérieur, et s’endormit sur son fauteuil.